Certains enfants n'ont pas construit au cours de leurs premières expériences éducatives les compétences psychiques nécessaires pour affronter les apprentissages:
- supporter la frustration et être capable d'attendre
- reconnaître ses manques et accepter de douter
- respecter les règles et la communauté
- en même temps et paradoxalement, être solitaire et autonome
Dès lors, il arrive que le mode de fonctionnement intellectuel s'aménage et s'équilibre autour d'un évitement de ces étapes, préalables et nécessaires à l'activité d'apprentissage.
Ce n'est pas d'intelligence ou de mémoire dont manquent les empêchés de penser. Leurs performances cognitives se situent dans la moyenne de celles des enfants de leur âge.
Ce sont surtout les structures psychiques permettant de supporter les apprentissages ainsi que le fait d'accepter de ne pas tout savoir, tout de suite, qui font défaut. A l'autodévalorisation et au sentiment de frustration, voire de persécution, des troubles du comportement peuvent aussi s'ajouter. Ils ont pour mission de réduire les peurs identitaires profondes réactivées par des défenses psychiques finalement peu fonctionnelles et vite débordées par le contexte des apprentissages scolaires. "Relais passés au corps, déclenchement de besoins vitaux, attaque du cadre, conformisme stérilisant, réponse en association immédiate... sont les plus usités" (Serge Boimare 2005, p 73)
Comment accompagner ?
Ici, l'échec scolaire se conçoit comme le résultat de stratégies et de choix inconscients, mis en place pour exprimer des difficultés psychologiques. Il s'agit de respecter ces défenses et d'aller rencontrer l'enfant avec des médiations qui vont lui permettre d'accéder à l'élaboration de ses difficultés en lien avec la culture scolaire.
La psychopédagogie, en tendant des ponts entre l'objet culturel et le désir de savoir, tient une place particulière dans l'accompagnement possible.
Le jeu, les contes, l'écriture ou encore le soutien identitaire qu'apporte le groupe de pairs, permettent de restaurer les représentations de soi et de former un socle de réassurance interne sur lequel l'enfant va pouvoir s'appuyer et ainsi accepter le déséquilibre psychique induit par les processus d'apprentissage. Elle se distingue de la psychothérapie par ses buts en concernant plus spécifiquement le réinvestissement du plaisir de penser et d'apprendre.
La médiation choisie doit posséder trois qualités selon Serge Boimare:
Il s'agit d'abord d'"offrir une métaphore qui permettra d'approcher ce qui préoccupe". Elle doit toutefois s'en trouver suffisamment éloignée pour soutenir les allers-retours entre affects et pensée sans créer de blocage. Enfin, elle lie le personnel et le collectif, donne des références communes. Les médiations littéraires, contes, mythes, poésies, romans historiques par exemple, possèdent ces qualités.
Serge Boimare
Psychopédagogue, psychologue et directeur du centre Claude Bernard de Paris
Des références:
Boimare, Serge. « Peur d'apprendre et échec scolaire », Enfances & Psy, vol. no28, no. 3, 2005, pp. 69-77.
Boimare, Serge. « De la difficulté d'apprendre à lire », La lettre de l'enfance et de l'adolescence, vol. no 61, no. 3, 2005, pp. 97-102.
Boimare, Serge. « La psychopédagogie face aux adolescents ascolaires. Quand la psychopédagogie s'appuie sur la mythologie », Journal de la psychanalyse de l'enfant, vol. 3, no. 1, 2013, pp. 103-122.
Boimare, Serge. Ces enfants empêchés de penser. Dunod, 2019
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